Publication préoriginale : Nord-Sud, nº 12, février 1918, daté « 3 avril 1915 ». 2018 - Explorez le tableau « Calligramme » de 3petits.etc, auquel 186 utilisateurs de Pinterest sont abonnés. Titre : l’« abri-caverne » est enterré sous six mètres de terre, à l’abri des obus. Ha ! voyant la large croupe de mon cheval j’ai pensé à tes hanches, Voici les fantassins qui s’en vont à l’arrière en lisant un journal, Le chien du brancardier revient avec une pipe dans sa gueule, Un chat-huant ailes fauves yeux ternes gueule de petit chat et pattes de chat, Le riz a brûlé dans la marmite de campement, Ça signifie qu’il faut prendre garde à bien des choses, Qu’agitent les chérubins fous d’amour, Le bruit des tracteurs qui grimpent dans la vallée, Mon désir est la région qui est devant moi, De mon désir qui est au-delà de la zone des armées, Je n’en parle pas aujourd’hui mais j’y pense, Des fils de fer des mitrailleuses des ennemis trop sûrs d’eux, Trop enfoncés sous terre déjà enterrés, Ca ta clac des coups qui meurent en s’éloignant, Vois les lueurs avant d’entendre les coups, Ou le tac tac tac monotone et bref plein de dégoût, J’ai tiré même sur le boyau Nietzsche, Décidément je ne respecte aucune gloire, Nuit violente et violette et sombre et pleine d’or par moments, Nuit violente ô nuit dont l’épouvantable cri profond devenait plus intense de minute en minute, Nuit qui criait comme une femme qui accouche, Voici le tétin rose de l’euphorbe verruquée, Que les civils et les femmes écoutent ces chansons, Et voici d’abord la cantilène du brancardier blessé,                 Le sol est blanc la nuit l’azure,                 Saigne la crucifixion,                 Tandis que saigne la blessure,                 Du soldat de Promission,                 Un chien jappait l’obus miaule,                 La lueur muette a jailli,                 À savoir si la guerre est drôle,                 Les masques,                 Mais quel fou rire sous le masque,                 Blancheur éternelle d’ici,                 Où la colombe porte un casque,                 Et l’acier s’envole aussi, Je suis la tranchée blanche le bois vert et roux, Animez-vous fantassins à passepoil jaune, Bleu-de-roi comme les golfes méditerranéens, Veloutés de toutes les nuances du velours, Ou mauves encore ou bleu-horizon comme les autres, Danse grenadier en agitant tes pommes de pin, Alidades des triangles de visée pointez-vous sur les lueurs, Creusez des trous enfants de 20 ans creusez des trous,             Sculptez les profondeurs, Envolez-vous essaims des avions blonds ainsi que les avettes, Moi l’horizon je fais la roue comme un grand Paon, Écoutez renaître les oracles qui avaient cessé,             Le grand Pan est ressuscité, Champagne viril qui émoustille la Champagne, Craquements des arrivées ou bien floraison blanche dans les cieux, J’étais content pourtant ça brûlait la paupière, Les officiers captifs voulaient cacher leurs noms, Œil du Breton blessé couché sur la civière, Et qui criait aux morts aux sapins aux canons, Priez pour moi Bon Dieu je suis le pauvre Pierre,                    Boyaux et rumeur du canon,                    Sur cette mer aux blanches vagues,                    Fou stoïque comme Zénon,                    Pilote du cœur tu zigzagues,                    Petites forêts de sapins,                    La nichée attend la becquée,                    Pointe-t-il des nez de lapins,                    Comme l’euphorbe verruquée,                    Ainsi que l’euphorbe d’ici,                    Le soleil à peine boutonne,                    Je l’adore comme un Parsi,                    Ce tout petit soleil d’automne,                    Un fantassin presque un enfant,                    Bleu comme le jour qui s’écoule,                    Beau comme mon cœur triomphant,                    Disait en mettant sa cagoule,                 Et de la terrible lueur,                 Il s’est fait une muse ardente, Des lanternes allumées se sont croisées, Moi l’horizon je combattrai pour la victoire, Je suis l’invisible qui ne peut disparaître, Allons ouvrez les écluses que je me précipite et renverse tout, J’ai bâti une maison au milieu de l’Océan, Ses fenêtres sont les fleuves qui s’écoulent de mes yeux, Des poulpes grouillent partout où se tiennent les murailles,                       Maison humide,                       Maison ardente,                       Saison rapide,                       Saison qui chante,                 Les avions pondent des œufs,                 Attention on va jeter l’ancre, Et puis nous sommes tant et tant à être nos propres fossoyeurs, Pâles poulpes des vagues crayeuses ô poulpes aux becs pâles, Autour de la maison il y a cet océan que tu connais, Que c’est beau ces fusées qui illuminent la nuit, Elles montent sur leur propre cime et se penchent pour regarder, Ce sont des dames qui dansent avec leurs regards pour yeux bras et cœurs, J’ai reconnu ton sourire et ta vivacité, C’est aussi l’apothéose quotidienne de toutes mes Bérénices dont les chevelures sont devenues des comètes, Elles accouchent brusquement d’enfants qui n’ont que le temps de mourir, Mais ce serait bien plus beau s’il y en avait plus encore, S’il y en avait des millions qui auraient un sens complet et relatif comme les lettres d’un livre, Pourtant c’est aussi beau que si la vie même sortait des mourants, Mais ce serait plus beau encore s’il y en avait plus encore, Cependant je les regarde comme une beauté qui s’offre et s’évanouit aussitôt, Il me semble assister à un grand festin éclairé a giorno, C’est un banquet que s’offre la terre, Elle a faim et ouvre de longues bouches pâles, La terre a faim et voici son festin de Balthasar, Qui aurait dit qu’on pût être à ce point anthropophage, Et qu’il fallût tant de feu pour rôtir le corps humain, C’est pourquoi l’air a un petit goût empyreumatique, Mais le festin serait plus beau encore si le ciel y mangeait avec la terre, Ce qui est une façon de ne pas se nourrir, Et se contente de jongler avec des feux versicolores, Mais j’ai coulé dans la douceur de cette guerre avec toute ma compagnie au long des longs boyaux, Quelques cris de flamme annoncent sans cesse ma présence, J’ai creusé le lit où je coule en me ramifiant en mille petits fleuves qui vont partout, Je suis dans la tranchée de première ligne et cependant je suis partout ou plutôt je commence à être partout, C’est moi qui commence cette chose des siècles à venir, Ce sera plus long à réaliser que non la fable d’Icare volant, Je lègue à l’avenir l’histoire de Guillaume Apollinaire, Qui fut à la guerre et sut être partout, Dans les villes heureuses de l’arrière, Dans ceux qui meurent en piétinant dans le barbelé, Dans les femmes dans les canons dans les chevaux, Au zénith au nadir aux 4 points cardinaux, Et dans l’unique ardeur de cette veillée d’armes, Si je pouvais supposer que toutes ces choses dans lesquelles je suis partout, Mais dans ce sens il n’y a rien de fait, Car si je suis partout à cette heure il n’y a cependant que moi qui suis en moi, L’amour a remué ma vie comme on remue la terre dans la zone des armées, J’atteignais l’âge mûr quand la guerre arriva, Et dans ce jour d’août 1915 le plus chaud de l’année, Bien abrité dans l’hypogée que j’ai creusé moi-même, C’est à toi que je songe Italie mère de mes pensées, J’évoquais le sac de Rome par les Allemands, Un Bonaparte le vicaire espagnol Delicado et l’Arétin, Regarde sans la défendre les efforts qu’on fait pour la détruire, Puis les temps sont venus les tombes se sont ouvertes, Les fantômes des Esclaves toujours frémissants, Se sont dressés en criant SUS AUX TUDESQUES, Plus doux que n’est le miel et plus simples qu’un peu de terre, Nous te tournons bénignement le dos Italie, Mais ne t’en fais pas nous t’aimons bien, Nous sommes là tranquillement et sans tristesse, Et si malgré les masques les sacs de sable les rondins nous tombions, Nous savons qu’un autre prendrait notre place, Les mois ne sont pas longs ni les jours ni les nuits, Toi notre mère et notre fille quelque chose comme une sœur, Qui met tant de différence entre nous et les Boches, J’ai aussi comme toi l’envol des compagnies de perdreaux des 75, Comme toi je n’ai pas cet orgueil sans joie des Boches et je sais rigoler, Je ne suis pas sentimental à l’excès comme le sont ces gens sans mesure que leurs actions dépassent sans qu’ils sachent s’amuser, Notre civilisation a plus de finesse que les choses qu’ils emploient, Et de ce qui est l’extérieur dans l’art et l’industrie, Les fleurs sont nos enfants et non les leurs, Même la fleur de lys qui meurt au Vatican, La plaine est infinie et les tranchées sont blanches, Les avions bourdonnent ainsi que des abeilles, Sur les roses momentanés des éclatements, Et les nuits sont parées de guirlandes d’éblouissements, De bulles de globules aux couleurs insoupçonnées, Nous jouissons de tout même de nos souffrances, Notre humeur est charmante l’ardeur vient quand il faut, Nous sommes narquois car nous savons faire la part des choses, Et il n’y a pas plus de folie chez celui qui jette les grenades que chez celui qui plume les patates, Tu aimes un peu plus que nous les gestes et les mots sonores, Tu as à ta disposition les sortilèges étrusques le sens de la majesté héroïque et le courageux honneur individuel, Nous avons le sourire nous devinons ce qu’on ne nous dit pas nous sommes démerdards et même ceux qui se dégonflent sauraient à l’occasion faire preuve de l’esprit de sacrifice qu’on appelle la bravoure, C’est la nuit je suis dans mon blockhaus éclairé par l’électricité en bâton, Je salue le souvenir des sirènes et des scylles mortes au moment de Messine, Je t’envoie mes amitiés Italie et m’apprête à applaudir aux hauts faits de ta bleusaille, Non parce que j’imagine qu’il y aura jamais plus de bonheur ou de malheur en ce monde, Mais parce que comme toi j’aime à penser seul et que les Boches m’en empêcheraient, Mais parce que le goût naturel de la perfection que nous avons l’un et l’autre si on les laissait faire serait vite remplacé par je ne sais quelles commodités dont je n’ai que faire, Et surtout parce que comme toi je sais je veux choisir et qu’eux voudraient nous forcer à ne plus choisir, Une même destinée nous lie en cette occase, Ce n’est pas pour l’ensemble que je le dis, Ne te borne point à prendre les terres irrédentes, Mets ton destin dans la balance où est la nôtre, Les réflecteurs dardent leurs lueurs comme des yeux d’escargots, Et les obus en tombant sont des chiens qui jettent de la terre avec leurs pattes après avoir fait leurs besoins, Notre armée invisible est une belle nuit constellée, Et chacun de nos hommes est un astre merveilleux,                Ô nuit ô nuit éblouissante,          Les morts sont avec nos soldats,          Les morts sont debout dans les tranchées, Ou se glissent souterrainement vers les Bien-Aimées, Ô Lille Saint-Quentin Laon Maubeuge Vouziers, Nous jetons nos villes comme des grenades, Nos fleuves sont brandis comme des sabres, Nous reprendrons les villes les fleuves et les collines, De la frontière helvétique aux frontières bataves,                  Entre toi et nous Italie,             Il y a des patelins pleins de femmes,             Et près de toi m’attend celle que j’adore,                  Ô Frères d’Italie, Métalliques débris qui vous rouillez partout, Ô frères d’Italie vos plumes sur la tête,                          Italie, Entends crier Louvain vois Reims tordre ses bras, Et ce soldat blessé toujours debout Arras, Et maintenant chantons ceux qui sont morts,                   Ceux qui vivent,          Les officiers les soldats,          Chantons les bagues pâles les casques,          Chantons ceux qui sont morts,          Chantons la terre qui bâille d’ennui,                        Italie,           Entends braire l’âne boche,           Faisons la guerre à coups de fouets,           Faits avec les rayons du soleil, Il y a un vaisseau qui a emporté ma bien-aimée, Il y a un sous-marin ennemi qui en voulait à mon amour, Il y a mille petits sapins brisés par les éclats d’obus autour de moi, Il y a un fantassin qui passe aveuglé par les gaz asphyxiants, Il y a que nous avons tout haché dans les boyaux de Nietzsche de Goethe et de Cologne, Il y a que je languis après une lettre qui tarde, Il y a dans mon porte-cartes plusieurs photos de mon amour, Il y a les prisonniers qui passent la mine inquiète, Il y a une batterie dont les servants s’agitent autour des pièces, Il y a le vaguemestre qui arrive au trot par le chemin de l’Arbre isolé, Il y a dit-on un espion qui rôde par ici invisible comme l’horizon dont il s’est indignement revêtu et avec quoi il se confond, Il y a dressé comme un lys le buste de mon amour, Il y a un capitaine qui attend avec anxiété les communications de la T S F sur l’Atlantique, Il y a à minuit des soldats qui scient des planches pour les cercueils, Il y a des femmes qui demandent du maïs à grands cris devant un Christ sanglant à Mexico, Il y a le Gulf Stream qui est si tiède et si bienfaisant, Il y a un cimetière plein de croix à 5 kilomètres, Il y a des figues de Barbarie sur ces cactus en Algérie, Il y a les longues mains souples de mon amour, Il y a un encrier que j’avais fait dans une fusée de 15 centimètres et qu’on n’a pas laissé partir, Il y a les fleuves qui ne remontent pas leur cours, Il y a l’amour qui m’entraîne avec douceur, Il y avait un prisonnier boche qui portait sa mitrailleuse sur son dos, Il y a des hommes dans le monde qui n’ont jamais été à la guerre, Il y a des Hindous qui regardent avec étonnement les campagnes occidentales, Ils pensent avec mélancolie à ceux dont ils se demandent s’ils les reverront, Car on a poussé très loin durant cette guerre l’art de l’invisibilité,                        À ta guise, Voici de quoi est fait le chant symphonique de l’amour, Le bruit des baisers éperdus des amants illustres, Les cris d’amour des mortelles violées par les dieux, Les virilités des héros fabuleux érigées comme des pièces contre avions, Et l’hymne victorieux que les premiers rayons du soleil ont fait chanter à Memnon l’immobile, Il y a le cri des Sabines au moment de l’enlèvement, Il y a aussi les cris d’amour des félins dans les jongles, La rumeur sourde des sèves montant dans les plantes tropicales, Le tonnerre des artilleries qui accomplissent le terrible amour des peuples, Les vagues de la mer où naît la vie et la beauté, Il y a là le chant de tout l’amour du monde,                     donc pour                          gales ô                    se,                        voir aus                  gens du mi            c           ra,                    si bien                    di gens du            Â,                 que les                   soleil gens qui        Â,               ciga                        devriez savoir         Â,             les                        creuser et voir         Â,                                    aussi bien pour le          Â,                                  moins aussi bien                Â,                               que les cigales                                        creu,                Eh quoi !